September 18th, 2018

Chère Angie,
D’abord toi, avant et pendant le massage…
A l’entame de cette lettre, je décrirais l’accueil de la châtelaine, me prenant par le bras, m’entourant de sa haute stature et de sa fourrure hivernale, pour m’entraîner dans un parc glacé, bousculé par l’hiver et m’accompagner dans la présentation des lieux, de ses lieux à elle.
Quand, avec son bras, elle me désignait le paysage s’étalant dans une perspective lointaine, depuis son jardin, un balcon de neige, dont la vue domine la vallée du Rhône, j’avais l’impression qu’elle me faisait faire le tour de ses propriétés, que ces paysages de montagnes enneigées, de vignobles en terrasse défoliés par l’hiver, ces villages accrochés à la pente ou reposant sur des plateaux invisibles, et même la ville de Sion, ses immeubles modernes comme les châteaux de Valère et de Tourbillon, son stade de foot - dans lequel elle m’affirmait suivre avec son compagnon les matches de l’équipe locale depuis son observatoire - sous nos yeux, tout lui appartenait. Ce monde qui à l’instant déroulait ses reliefs devant nous, elle le faisait sien simplement par le regard et la parole auxquels s’ajoutait, toujours à mon intention, une pression physique, légère et ferme à la fois.
Je mesurais l’étendue du personnage ! Quelle entrée en matière !

Si tu m’avais entraîné de nuit dans ce court périple autour de ta maison, j’aurais eu la sensation que les étoiles dans le ciel, la lune et tous ses quartiers, la voûte céleste-elle-même eussent fait corps avec toi. A cause de cette familiarité à la fois déconcertante et engageante, j’avais l’impression d’appartenir déjà à ces lieux.  Je n’imaginais pas encore à cet instant, quelle proportion ce glissement mimétique prendrait plus tard, avec le massage.

Je me suis tout de suite senti en affinité avec toi. La conversation dans le hall d’entrée m’y conviait, tout autant que l’attraction de ta présence corporelle même diffuse sous ton vêtement de fourrure - qui laissait entrevoir tes dessous -  et que ta nudité amplifia quand je la découvris, comme dans un tableau à l’ancienne, nichée dans la pénombre de la pièce où le massage allait se dérouler. Tu étais très belle dans cet apparat purement féminin, par la taille, l’envergure, le tranquille bercement de ta poitrine, havre de ta générosité.
Mais peut-être que sans vraiment en avoir conscience à ce moment précis, ai-je été sensible à ton assurance, au calme avec lequel ce corps magnifique évoluait dans l’espace.  J’étais irrésistiblement attiré par la toile matelassée de ton charme, confortable, sûr, rassurant.  J’ai eu cette impression les deux heures qu’a duré notre séance de massage. Je m’y suis coulé et j’ai lâché prise plus facilement. Sur le départ, après la session, j’avais le sentiment de mijoter dans un abîme de sensations délicieuses, installé durablement dans un creux de ta sensualité, tout au bénéfice de la liberté qui s’en dégageait et qui te rend paradoxalement intouchable.

Tu m’as surpris. D’abord, par ton corps et sa présence enveloppante, désignant l’heure savoureuse de l’indolence. Tu m’as tout de suite mis à l’aise physiquement quand j’ai senti tes seins nus peser contre ma poitrine pendant le hug d’accueil, à côté du futon. De cette longue session de massage, c’est d’abord l’omniprésence de ta sensualité drapée dans ton corps, qu’il aie été au contact direct avec le mien dans le body-body, dominant dans le travail du toucher de tes mains ou même invisible à mes yeux quand je les fermais pour goûter à tes subtilités. Si bien que j’ai décroché… Quelque chose a décroché en moi dans ce contact physique, à cause de l’impétuosité de son érotisme que je sentais pourtant différent des précédents, hors de l’assujettissement au désir, à la possession. Je ne sais pas comment l’exprimer… Disons qu’au-delà de l’excitation des sens, j’avais le sentiment d’accueillir en moi ta puissance féminine, sans tension, qu’elle creusait un lit dans lequel je pouvais m’allonger en toute quiétude. Je l’ai senti très profondément tout au long du massage et indépendamment de lui, bien que le toucher en augmenta l’effet.

 J’ai apprécié tes commentaires explicatifs assortis au massage que tu as qualifié de californien et de tantrique à la fois. J’ai été très sensible à la valeur que tu as accordée aux plus belles parties de ma constitution, mes jambes, mes fesses. J’ai senti chez toi, à travers ton corps précisément, une telle liberté qu’elle m’a affranchi à mon tour, si bien que j’ai accepté ta présence charnelle pour devenir plus libre dans la mienne. J’avais le sentiment curieux que je ne pouvais pas te faire de mal. Les résidus mal dégrossis de l’héritage culturel de mon éducation, imprégnée de protestantisme, même laïcisé, celui plus singulier des accidents de parcours qui ont marqué mon enfance et ma jeunesse, lourds de retenues et de culpabilités, se dissolvaient dans un océan d’invulnérabilité. J’avais l’impression que je me logeais tout entier au coeur de ta présence, dans la beauté et la sensualité qui en émanaient et de me nourrir au joyau de leur source. Cette confiance restaurée m’a procuré un bien fou ! Tu as habité mon corps pour que j’habite le mien à mon tour. Voilà l’essentiel de la mémoire que j’ai gardée de ton massage.
Ce n’était pas ce que j’étais venu chercher, ce puissant maternage sensuel !

Pendant l’exécution du massage, les exercices d’étirement auxquels tu m’as soumis, par exemple, je les assimilais davantage au travail d’un physio-coquin bien sûr, bien que la position du chien prise à cette occasion, a réveillé en moi l’animalité qui y sommeillait. C’était sans compter les effets durables qui sont apparus le lendemain et que je décris en conclusion.

Bien sûr que j’ai été surpris et désarçonné dans le hammam ! Jusqu’alors, je n’avais jamais été confronté à ce genre de situation sinon dans la plate et morne finition sexuelle d’un massage érotique ou même tantrique, bien que ce que tu me proposais là n'y correspondait absolument pas, Dieu merci !  Dans l’étroite limite du lieu, je ne savais pas trop que faire, ni ce qui était permis ou non. Ton invitation à la caresse m’a quelque peu déstabilisé. Je ne savais pas quoi faire. Tu réveillais mon désir par des signaux qui ne trompaient pas, des sons ou des paroles qui le stimulait. L’espace entre nous s’est resserré à cause de l’opacité du voile de vapeur brûlante qui entourait nos corps. Dans ce hammam, l’horizon du monde visible se rétrécissait sur nos corps nus. Cette vue m’excitait et m’invitait au fantasme pur de la jouissance qu’il allait m’apporter. J’avais la certitude que tu maîtrisais parfaitement la situation, ce qui m’a redonné confiance. Et là, j’ai lâché prise, parce que dans le brouillard humide et chaud du hammam, tu es devenue soudain la femelle, fantasme qui a occupé entièrement mon esprit, excitant le désir purement sexuel qui a propulsé sa vague impérieuse, délicieuse, masculine ! L’orgasme a été puissant et libérateur.

Cet épisode auquel je n’étais absolument pas préparé, m’a troublé, y compris après le massage. De vieux schémas remontaient à la surface, d’anciennes culpabilités, des frontières limitantes resurgissaient me laissant dubitatif. D’autant que l’effet du massage se faisait attendre.
Mais très vite, tout a changé. L’impact du massage a commencé à se faire sentir d’une manière insistante et indiscutable. Et là, j’ai senti combien ce moment que tu accordes au sexe est précieux, comme coulé dans un ensemble fluide, que tu présides avec autorité. Cette liberté que j’ai évoquée plus haut - renforcée par tes dires, les allusions à ton passé hippie ou tout simplement par ton statut de masseuse tantrique - s’est manifestée sans tabou, ni peur, ni limite, sinon celle du cadre de ton accueil. Je ne sais pas pourquoi, mais avec toi, je me sentais libre, dans mon corps comme dans mon esprit. Est-ce cela que tu cherches à insuffler à tes clients ? Tu inoculais en moi une confiance qui incluait la sexualité, dans la paix de l’esprit, la tranquillité du corps, la non culpabilité, comme un bienfait accordé par la nature.

Si tu savais comment j’ai reçu mon premier massage tantrique, tu comprendrais mieux le chemin parcouru et la signification pour moi, du gain supplémentaire acquis durant ta session de message.
Le lendemain, je fonctionnais en sur-régime ! Une énergie débordante, battante comme une pluie de tempête, a transformé mon corps en un coeur à pouls unique. L’énergie libérée par ton massage fondait sur moi, mon corps se transformant en une batterie rechargée à bloc. Une force intérieure me redressait, restaurant une invulnérabilité que je croyais perdue.
Grâce à cette puissance reconstituée de la vie, j’ai eu le courage de prendre l’une des décisions les plus difficiles de mon existence depuis deux ans.

Puis, le reflux dans une sorte de bain de bulles glaiseuses, de crépitements doux, de jouissance tendre de soi…

Merci Angie !
Hug à toi !
Herr Philippe